Le camp de concentration de Natzwiller-Struthof1 est le seul camp de concentration sur le territoire aujourd'hui français. Lors de sa création, l'Alsace et la Moselle avaient été annexées par le Troisième Reich. Il a été installé au Struthof, un lieu-dit dans les hauteurs de la commune de Natzwiller (Bas-Rhin), durant la Seconde Guerre mondiale. Son nom allemand était KL Natzweiler-Struthof, KL pour Konzentrationslager, soit en français « camp de concentration ».
Le camp a par ailleurs servi de centre d'exécution pour de nombreux résistants issus de la majeure partie des pays occupés par l'Allemagne nazie et condamnés par la Gestapo. Le déporté Aimé Spitz témoigne : « Hors du camp, à quelque 100 mètres, se trouvait une sablière. C'est là qu'environ cinq cents camarades furent fusillés, soit à coups de mitraillette, soit à coups de revolver dans la nuque. Un soir de printemps 1944, après 18 heures, 11 Luxembourgeois appartenant à la Résistance furent fusillés dans cette sablière. Ce genre d'exécution, ordonnée par le ministère de la Sûreté d'État de Berlin, avait lieu le soir après l'appel. Chaque fois que nous apercevions le soir des arrivants devant la Schreibstube (secrétariat du camp), nous savions qu'il s'agissait d'une Sonderbehandlung (manipulation spéciale). Ce genre de détenus ne figurait pas, la plupart du temps, dans le fichier du camp. Ils étaient amenés par la Gestapo pour être exécutés. Leurs corps étaient ensuite transportés au crématoire, de sorte qu'il n'y avait de trace nulle part10. »
Les exécutions de ce type ne sont en effet la majeure partie du temps pas répertoriées dans les registres du camp, ce qui rend difficile, voire impossible, le comptage rigoureux et l'identification des victimes.
Peuvent néanmoins être mentionnés les faits suivants :
En 1943, treize jeunes gens originaires de Ballersdorf dans le Haut-Rhin sont fusillés à la carrière pour avoir refusé leur incorporation dans la Wehrmacht et tenté de quitter la zone annexée ;
Quatre femmes, deux Britanniques et deux Françaises, agents de la Special Operations Executive, un service secret britannique, sont exécutées par injection le 6 juillet 1944. Une plaque commémorative apposée à l'entrée du four crématoire rappelle leurs noms : Diana Rowden, Vera Leigh, Andrée Borrel et Sonia Olschanesky ;
Dans la nuit du 28 au 29 juillet 1944, un avion anglais Lancaster s'écrase au pied du Mont Sainte-Odile. Le sergent F. H. Habgood (21 ans) a sauté en parachute de l'avion avant qu'il ne s'écrase et atterri au Langen Weg, à Ottrott. Il est alors pris en charge par la population pour être remis à la Résistance. Dénoncé à la Gestapo, il est ensuite interné au camp de Schirmeck, d'où il parvient à s'échapper. Le SS Peter Straub le capture à Niederhaslach et le fait exécuter par pendaison le 31 juillet 1944 au KL Natzweiler-Struthof. Son corps n'a jamais été retrouvé ;
Face à l'avancée des troupes alliées, les SS commencent à massacrer systématiquement certains détenus, particulièrement les résistants français, qui arrivent en grand nombre au camp.
Ainsi, dans la nuit du 31 août au 1er septembre 1944, 107 résistants du mouvement Alliance et 33 membres du Groupe mobile Alsace-Vosges sont expédiés au Struthof pour y être exécutés d'une balle dans la nuque, puis immédiatement incinérés dans le four crématoire. En trois jours, ce seraient 392 prisonniers (92 femmes et 300 hommes)11 qui auraient été assassinés au Struthof, parmi lesquels le maire de la ville de la Rochelle le colonel Léonce Vieljeux12.
3.5. Les expériences médicales== Les « expériences médicales » == Le camp est aussi connu pour des « expériences » pseudo-scientifiques qui y furent pratiquées sur des détenus13. À cet effet avait été aménagée une salle de dissection.
Une chambre à gaz était située en contrebas du Struthof ; elle a été construite par la Waffen-SS les 3 et 12 août 1943 dans une dépendance de l'ancien hôtel14. Elle est utilisée du 11 au 19 août 1943 pour l'exécution de détenus : 57 hommes et 30 femmes, internés à Auschwitz, sont envoyés au camp du Struthof pour y être assassinés avec des sels cyanhydriques (Zyklon B ?)15. Une personne ayant été préalablement exécutée par balle pour rébellion, ce sont finalement 86 personnes de « race juive » qui sont gazées personnellement par le commandant SS du camp, Joseph Kramer.
Lors de son procès Kramer ne parle pas des classiques petits cailloux gris bleuâtres qui servent à décrire le Zyklon B, mais d'une poudre blanche dans un flacon que lui a donné August Hirt, et il a fallu un écoulement d'eau pour obtenir un dégagement gazeux ; selon Kogon (op. cité p. 260), il s'agit probablement d'un autre composé cyanhydrique concocté par Hirt, cyanure de potassium ou de sodium avec un acide organique, cette composition dégageant de l'acide cyanhydrique en présence d'eau. Le professeur August Hirt, SS-Hauptsturmführer et proche de Heinrich Himmler, avait pour objectif à travers ces gazages de constituer une collection de « crânes de commissaires bolcheviks juifs16 » pour l'Institut Anatomique de Strasbourg17,18, avant que « la race juive » ne soit anéantie19 ; en effet, Himmler « faisait des études sur les crânes de « commissaires judéo-bolchéviques » destinés à permettre une définition typologique du « sous-homme » »20. Hirt mena aussi de nombreuses expérimentations sur l'utilisation du Gaz moutarde21.
La chambre à gaz a été par la suite utilisée pour 15 expériences de toxicité du gaz phosgène par un virologiste, Otto Bickenbach, sur des détenus de droit commun et des Tziganes22.
Un autre médecin SS, le professeur Eugen Haagen, a pratiqué au Struthof des injections de lèpre, peste et autres maladies sur des détenus de manière à observer les effets de ces contaminations ; plusieurs traitements étaient essayés pour une même maladie. L’expérience terminée, si les sujets n’étaient pas morts, ils étaient assassinés et incinérés.
Afin de mener à bien ses expériences sur le typhus, Von Haagen se fait aussi remettre environ 200 Tziganes arrivés directement d'Auschwitz au Struthof durant les mois de novembre et décembre 1943. Début 1944, les Tziganes sont mis à sa disposition. 150 d'entre eux sont immunisés contre le typhus exanthématique, les 50 restants étant réservés comme témoins. À l’ensemble des 200 cobayes est ensuite inoculé par scarification au bras le germe du typhus23.
Les diverses séries d'expériences font des centaines de victimes parmi les déportés du camp. Elles entraînent en outre une épidémie de typhus durant l'année 1944.
QUE TOUS LES DEPORTES MORTS DANS CES CAMPS REPOSENT EN PAIX!